Je me suis permir de le tripatouiller parce que ce n’est pas une chose parfaite, comme ses grands romans. Je ne serais jamais permis de toucher aux “Possédes”, aux “Karamazov”, à “L’Idiot”. Cette nouvelle a été écrite trop rapidement. Elle est très embrouillée et je me suis permis de m’en servir. J’ai fait une adaptation en quelques jours. (…) Dostoievski, c’est un peintre du dedans. Il découvre sans expliquer. L’ennui avec les écrivains psychologiques, c’est qu’ils expliquent ce qu’ils découvrent. (…)
On m’a assez reproché de ne pas m’expliquer. Mais est-ce qu’on explique des choses dans la vie? Dans la vie, les gens ne s’expliquent pas eux-mêmes.
Je crois que nous, réalisateus, nous ne réalisons rien du tout. Nous prenons du réel tel qu’il est, nous n’avons pas à démontrer quelque chose, mais à essayer de trouver, d’aller au fond des êtres, jusqu’à l’âme de l’âme d’un être humain, ce qui ni la poésie, ni la dramaturgie, ni la peinture, ne rien ne sont encore parvenus à rendre. Je crois que cette caméra, que ce magnétophonne sont des instruments en profundeurs, et que c’est cela leur destin, et pas du tout d’aller prendre des acteurs, les faire jouer la comédie et les photographier.
Robert Bresson, Cannes 1971, Amis du film et de la télévision nº 185, octobre 1971