Tati avait coutume de dire aux apprentis cinéastes: "Le cinéma, c'est un stylo, du papier et des heures à observer le monde et les gens". Pour écrire ses films, du premier au dernier gag et en prévoir tous les rouages; pour imaginer, sur la bande-son, le moindre bruit, sa modulation, son intensité, son rythme; pour faire exister, avec un visage, des vêtements, une silouhette et des signes particuliers, le plus humble des personnages, à peine entrevu sur l'écran, Tati avait besoin de temps et le prenait. Quatre ans entre “Jour de fête” et “Les Vacances...”,cinq entre “Les Vacances...” et “Mon oncle”, dix entre “Mon oncle” et “Playtime”.
Un an après la fin du tournage, Tati s’attache encore à la sonorisation de son film. Avec le 70 mm, il a découvert la stéréo, l’enregistrement multipistes (six à l’époque) et la possibilité d’agencer le comique, grâce aux bruits, en dirigeant l’œil du spectateur. Rien n’a été enregistré pendant le tournage. Tout est reconstitué ensuite, piste par piste, phrase par phrase, bruit par bruit. Jacques Maumont, l’ingénieur du son, se souvient ainsi de soirées passées sur les hauteurs du mont Valérien ou dans un parking désert à faire tourner des moteurs de voiture.
Ou d’un voyage à Munich, chez Siemens, pour enregistrer les bonnes combinaisons de fréquences émises par un générateur. «On n’en sortait jamais», dit Maumont.